Isabelle (Paris, 2000)

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Sous le titre “Isabelle” sont regroupés ici deux travaux distincts, mais dont le thème et la protagoniste sont les mêmes. La possibilité d’une chute, le jeu avec le danger et le vertige auquel il donne lieu sont ici saisis de sorte à devenir les gestes d’une chorégraphie complexe, entre désir et désarroi.
— Le premier travail est une œuvre vidéo intitulée “Isabelle et la Seine”. Cette vidéo a été présentée pour la première fois à la VTO Gallery, à Londres, du 17 novembre au 3 décembre 2000.
— Le second travail, “Isabelle au-dessus de la Petite Ceinture”, est une série de photographies 24x36, dont une partie a été publiée dans la revue d’art et de littérature ON en avril 2000.



« Une jeune femme joue du regard avec la caméra qui tourne autour de son visage comme pour mieux le connaître. Cette vidéo dans laquelle les deux partenaires (la jeune femme et la caméra) s’attirent, se repoussent, s’avère une méditation subtile sur le pouvoir dans les rapports humains. On ne distingue de la femme que son visage où s’inscrit toute la mouvance du hors-champs que l’on peut à peine soupçonner : une atmosphère sombre et ambiguë au bord d’un pont, qui fait immanquablement penser à “La Chute” d’Albert Camus de par sa configuration tragique. Dans le déroulement et le tournoiement du cadrage il y a spatialisation du son, jusqu’à la perte des sens.

Quel bonheur de perdre ses sens et de les retrouver ! Prendre conscience du corps, franchir le seuil de son propre espace pour entrer en mouvement, se mettre en relation avec la différence à soi, voici à quoi la danse dans “Isabelle et la Seine” peut introduire. Car, ici, le spectateur entre dans la danse, entre dans l’image, il va plus loin que regarder l’écran ou contempler l’image dansante. Savoir lire une chorégraphie, c’est vouloir “faire partie de”, qui est une manière d’identification. Dans ce dialogue avec la caméra, Isabelle réitère l’altruisme sartrien. De la même manière qu’elle se cherche dans l’œil de la caméra, le spectateur cherche à s’identifier à travers l’autre.

Un moyen fréquent d’y parvenir revient à mettre en contact les territoires de chacun ; à défaut de toucher le personnage, une superposition des lois communes permet de rentrer en communication, de préciser ses affects, d’établir une solidarité. Une solidarité plus profonde et aussi plus complexe prend naissance si l’on tient compte de la différence à l’Autre. Il y a dans “Isabelle et la Seine” un rapport à la fois de dualité et de dialogue. La projection de la jeune femme à la caméra, la projection de soi à l’Autre revient à dépasser les ressemblances pour mettre en évidence les singularités et les dissymétries qui montrent la richesse des comportements pour voir et vivre le monde autrement. Le spectateur perd ses sens dans le tournoiement du cadrage, il est obligé de les chercher et de les trouver dans le regard de l’Autre. »

Geoffrey Martinache, Université de Lens


DV Pal
14 min en boucle, couleur, son
Réalisation et montage : Cendrillon Bélanger
Son : Cendrillon Bélanger
Avec : Isabelle Nicou