Présentation

Cendrillon Bélanger n'est pas un personnage de roman féerique, et pourtant, dans la vie bien réelle, quand on a la chance de la connaître, elle est à l'image de ces héroïnes qui nous font rêver. La comparaison, si elle est facile, n'est pas innocente. Car tout dans le travail de Cendrillon nous porte vers un ailleurs, bercés par des couleurs diaphanes, des ralentis sensuels, des fondus délicats et inquiétants, hypnotisés par des boucles vidéo, ensorcelés par des sons indéfinis, paralysés par des sensations inconnues. Sensible et précieuse, d'apparence frêle, l'artiste joue de son pouvoir sur nous pour mieux nous déstabiliser sans que nous nous en rendions compte. La subtilité de son langage est vénéneuse... elle est le rouet auquel nous nous piquons, la potion que nous buvons... Subtilement donc, pour ne pas dire “fémininement”, elle nous engloutit dans un monde de références picturales issues de l'histoire de l'art classique, références desquelles elle se joue délicatement pour nous bousculer, grâce à des électrochocs sonores, faisant jaillir en nous des réminiscences de contes aux fins tragiques...

Une pelote rouge dans une baignoire, un immense écran blanc et vide, un canapé seul au milieu d'un champ, une femme au-dessus d'un pont, un escalier... des objets concrets, auxquels nous nous rattachons pour les croiser dans notre quotidien le plus simple, lorsque l'énigme prend le dessus et nous emporte. La pelote est fluide comme du sang enveloppant un corps nu et blanc, presque noyé, s'agitant sur les rythmes d'un dernier souffle, l'écran trahit le désert dans lequel il se trouve et l'absence inquiétante de spectateur, le canapé est tel un naufragé au milieu d'un nulle part, la femme manque de basculer à chaque mouvement de tête et de tomber à l'eau, l'escalier, lui, nous absorbe dans son infini... Le langage de l'artiste est ainsi ponctué de clichés rassurants (comme ceux concrètement sortis des photomatons, voluptueux mais pénétrants) qui paraissent d'une tendresse absolue mais n'en sont pas moins évocateurs d'une tension extrême.

Il y a dans le travail de Cendrillon quelque chose qui nous attire vers l'inconnu, le dangereux, et naturellement, nous nous laissons baigner par ses pouvoirs quasi magiques, voire maléfiques. Il en ressort comme d'une psychanalyse à regarder une vidéo de Cendrillon Bélanger. Tout signifiant a son signifié, tout signe est tel un caillou sur la route vers une réponse à nos questions les plus floues. Le verre dans ses dernières installations, telle la pantoufle, est la métaphore de cette frontière entre deux mondes, rêve ou réalité, conscient ou inconscient, que nous franchissons sans cesse, manipulés mais aussi séduits par l'artiste. Le travail de Cendrillon est ce fil tendu, sur lequel nous marchons, à la lisière du rien, du magnifique et du puissant. Et ainsi, rien n'est plus réel que les sensations que nous éprouvons alors, même si nous doutons toujours d'avoir été kidnappés dans une histoire fantastique écrite par l'artiste.

Aurélie Wacquant Mazura, commissaire d'exposition